LA RÉFORME DU LYCÉE. par le P. Jean-Bernard Plessy — Les Chartreux

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LA RÉFORME DU LYCÉE. par le P. Jean-Bernard Plessy

"Le mérite de cette réforme qui s'attache à décloisonner les parcours aura aussi pour effet second de supprimer la hiérarchisation des séries entre elles."
Tout passe et subit la loi de l’universelle transformation

Le lycée que les parents de nos élèves ont connu comme le baccalauréat qu’ils ont passé s’éloignent dans la mémoire de l’Histoire. Il rejoint celui de nos grands-parents, de nos grands-pères surtout, lesquels parlaient de leur «  Bac Maths’ Elem, ou Bac Sciences Ex, ou encore Bac philo ». Leur Lycée et baccalauréat furent réformés en 1965. Les jeunes filles étaient moins nombreuses qui y accédaient. Les filières très cloisonnées. Les sciences humaines, dont l’économie, y avaient la portion congrue.

C’est en 1969 que sont mises en place les filières A B C D  E F puis G. Le fameux bac G2. Plusieurs parents d’élèves actuels reconnaîtront ici leur propre baccalauréat. Nos élèves actuels de maternelle et de l’école primaire ont des parents qui n’ont pas connu ces filières mais dû choisir entre  les voies L, ES ou S, ou parmi les baccalauréats technologiques ou professionnels.

Une autre réalité a changé dans le même temps : celui du taux d’accès et de réussite au baccalauréat, conduit par les filières nouvelles.  En 1965, il était de 58%. Il est aujourd’hui, tous baccalauréats confondus, de 84,5%. Je laisse à chacun ses commentaires et ses appréciations.
là n'est pas le sujet.

Une réforme profonde du lycée...

... celle du baccalauréat suivra par voie de conséquence, en 2021, pour nos élèves qui sont entrés en première en 2019. Beaucoup de parents nous interrogent, au hasard des rencontres, quant à ce qu’il convient d’en penser. Nous n’avons jusqu’à maintenant pas vraiment eu le temps de leur répondre, consacrant notre temps aux élèves, et notamment ceux de seconde, quant au choix de la classe de première.

En quoi consiste cette réforme ? Que semble-t-elle valoir ? Comment se transforme le baccalauréat ? Cette réforme préparera-t-elle mieux à l’enseignement supérieur ?
Le premier trait, le plus marquant de ce nouveau lycée, est la disparition des séries littéraire, économique et scientifique. Avec elle, une doxa qui, depuis plusieurs années, ne correspondait plus à grand-chose mais très ancrée dans l’esprit des géniteurs : la suprématie de la série scientifique, le  lot de consolation pour les moins doués en maths avec la série économique, et l’ultime secours de la série littéraire pour les disqualifiés au verdict  des coefficients, « l’honneur » étant sauf d’échapper à un baccalauréat technologique.

Le mal semblait sans remède ou presque, tant l’adage prononcé du père à son fils : « Choisis la section S, tu pourras tout faire ! » était dogmatique, pas moins que n’était désolant aux yeux des professeurs de lettres, de langues et d’histoire, le triste sort de la série littéraire, incapable de préparer, en dehors d’une « prépa » littéraire, à l’avenir d’études supérieures et de métiers futurs. Le mérite de cette réforme qui s’attache à décloisonner ces parcours aura aussi pour effet second de supprimer cette hiérarchisation des séries entre elles.

Il s’agit désormais, pour l’élève de seconde, de choisir trois spécialités

Il suivra ces enseignements durant son année de première, à raison de 4h00 chacune. Elles viendront compléter un tronc commun d’enseignement, relativement classique, mêlant un enseignement scientifique général à l’étude du français, des langues et de l’Histoire. Classiquement aussi, l’élève de première aura la possibilité de choisir des options, comme les langues anciennes (latin ou grec), options artistiques, ou encore une troisième langue vivante.

Plus le lycée est important par sa taille, plus le nombre de spécialités offertes est large. C’est ainsi qu’aux Chartreux, les élèves disposeront d’un choix étendu, parmi les spécialités scientifiques, on retrouve ici les mathématiques, la science physique ou les sciences de la vie et de la Terre, mais aussi une même variété de choix parmi les spécialités plus littéraires. Des enseignements nouveaux apparaissent comme l’histoire-géographie, couplée à la géo-politique et les sciences politiques, l’étude de la littérature, liée à la philosophie et aux humanités, ou encore une spécialité de langue étrangère liée à la culture et la civilisation qui la sous-tendent.

Certes, la tentation pourrait être grande de reconstituer la série scientifique, en choisissant une possible triade faite des mathématiques, de la physique et de la biologie. Ce serait une mauvaise stratégie dans bien des cas. En dehors des élèves qui veulent intégrer une préparatoire scientifique après le baccalauréat et pour lesquels ce choix sera parfaitement légitime, il n’est plus judicieux pour ceux d’entre eux qui se prépareront aux filières commerciales par exemple. Ils mêleront au contraire avec profit l’étude des mathématiques à celles de la littérature étrangère, ou de la philosophie et des humanités. De la même manière, sera-t-il recommandé aux futurs médecins de coupler à la biologie une spécialité de culture générale en vue de la préparation à la SSH (sciences sociales et humanités) qui est désormais fortement coefficientée dans la réforme des études de médecine (PACES).

Les mathématiques ne seront donc pas nécessairement utiles pour accéder à certaines formations supérieures

Ainsi des études de sciences politiques par exemple. Il convient d’ailleurs de préciser que le programme de la spécialité « mathématiques » est dense, complexe et s’adresse plus spécifiquement à des élèves doués pour l’outil mathématique. Ainsi de la physique et de la biologie.

Les classes de lycée auront un visage nouveau. Les élèves ne seront pas regroupés en fonction des spécialités qu’ils auront choisies. On pourra trouver dans une même classe des élèves rassemblés plutôt sur le principe de l’emploi du temps, et suivant possiblement, dans cet emploi  du temps, des spécialités différentes.

A l’issue de la première, une spécialité sur les trois « tombe », faisant sans nul doute l’objet d’un examen comptant pour le baccalauréat, et l’enseignement spécial se resserre sur deux disciplines de la triade initiale. L’horaire augmente pour les deux contenus d’enseignement, passant de 4 à 6 h00.

Tandis que le baccalauréat se transforme pour une large part en contrôle continu, depuis la classe de première, ces deux spécialités de terminale seront l’objet d’un oral final important, que les élèves prépareront en même temps que la dissertation de philosophie, au mois de juin.

On peut dire que cette réforme est structurelle

en ce qu’elle renouvelle en profondeur et les contenus de savoir, et la manière de les enseigner. Comme dans plusieurs pays étrangers, elle invite au co-enseignement  (deux professeurs pourront associer leur discipline sur une même heure de cours), à la bi-disciplinarité : avancer un enseignement sous la forme d’un parcours associé entre deux voire trois disciplines. En même temps que le lycée se transforme, de nouveaux programmes sont en train d’être constitués. C’est fait pour la classe de première. C’est  à venir pour celle de terminale. Mais force est de constater là encore que ces programmes sont moins fantaisistes et nettement plus classiques que ces dernières années. Reviennent dans les manuels d’histoire des périodes ou des personnages illustres qui avaient complètement disparus. En lettres, ils semblent aussi satisfaire les professeurs de français. Retour à une histoire de la littérature, à l’étude des genres littéraires, etc.

Enfin, on ne peut douter que, par l’élargissement des spécialités proposées comme des méthodes d’enseignement qui vont évoluer, ce nouveau lycée semble correspondre davantage aux attentes de l’enseignement supérieur, et notamment des filières sélectives. Ne serait-ce que par la plus grande place accordée à l’oral ! Nous avons d’ailleurs prévu l’année prochaine aux Chartreux une vaste campagne d’oraux pour tous les élèves du lycée, sur plusieurs disciplines, afin d’entraîner nos élèves, et à l’oral du baccalauréat, et aux nombreux oraux qu’ils auront dans l’enseignement supérieur.

Les Chartreux sont attachés à proposer à leurs élèves plusieurs modules de formation préparatoire aux filières sélectives qu’ils s’apprêtent à choisir à l’issue du bac : prépa sciences po, module médecine, module CPGE, module Accès, module maths plus. Le futur lycée les conforte réellement dans ces propositions.

On peut évidemment souligner la difficulté d’orienter dès la classe de seconde les élèves dans le choix qu’ils auront à faire de leurs spécialités qui, d’une manière ou d’une autre, les « met sur les rails » très tôt des études supérieures. Sait-on vraiment à 15 ans ce que l’on va vouloir faire plus tard ? Nous comptons sur le corps enseignant pour aider tous nos élèves à repérer leurs vraies capacités et à choisir des combinaisons de spécialités qui leur permettent la garantie d’un vrai choix en classe de terminale.

Nous accueillons pour notre part avec satisfaction cette réforme

Vous le voyez. Deux craintes cependant restent d’actualité : le devenir des langues anciennes que pourtant le ministre souhaitait préserver. Nos élèves auront-ils la vertu de poursuivre l’étude du latin ou du grec, malgré le peu de rentabilité que cela présentera désormais ? L’autre crainte tient au déséquilibre entre l’exigence de ce nouveau lycée et la réduction des moyens alloués pour l’honorer. Comment enseigner bien une langue étrangère sans pouvoir dédoubler, faute de moyens, des classes de plus de 35 élèves ?

P. Jean-Bernard PLESSY
Supérieur du groupe scolaire des Chartreux